Entretien avec Maidhc O Cathail, auteur de La Reine du chaos, par Diana Johnstone.
Dans votre dernier livre, vous appelez Hillary Clinton la « Reine du Chaos. » Pouvez-vous expliquer pourquoi vous avez choisi ce sobriquet péjoratif pour décrire Hillary ?
En un mot, la Libye. Hillary Clinton était si fière de son rôle majeur dans le déclenchement de la guerre contre la Libye qu’elle et ses conseillers avaient initialement prévu de l’utiliser comme base d’une « doctrine Clinton », ce qui signifie une stratégie de changement de régime façon « smart power » , comme un slogan de la campagne présidentielle.
La catastrophe libyenne m’a effectivement inspiré d’écrire ce livre, ainsi que le danger croissant d’une guerre avec la Russie.
La guerre engendre le chaos, et Hillary Clinton a été un défenseur avide de toutes les guerres d’agression des États-Unis au cours du dernier quart de siècle. Ces guerres ont dévasté des pays entiers et provoqué une crise de réfugiés ingérable. La seule chose qu’a produit « l’expérience en politique étrangère » tant vantée d’Hillary est le chaos.
Que diriez-vous aux femmes qui veulent voir Hillary comme présidente, parce qu’elle est une femme ? Vous affirmez que « éviter la Troisième Guerre mondiale est un peu plus urgent que « prouver » qu’une femme peut être président des États-Unis. » Pourquoi croyez-vous que Hillary est susceptible de déclencher la Troisième Guerre mondiale ?
Il y a deux questions ici. Quant à la deuxième partie, je ne crois pas que quiconque déclenchera volontairement la Troisième Guerre mondiale. La situation actuelle ressemble plus à celle qui a précédé la Première Guerre mondiale, lorsque les grandes puissances étaient armées et prêtes à en découdre lorsqu’un incident à mis le feu aux poudres. Depuis que Gorbatchev a naïvement mis fin à la guerre froide, les États-Unis avec leur sur-armement colossal ont encerclé de manière active la Russie avec les systèmes d’armes, des exercices militaires agressifs, l’expansion de l’OTAN. Dans le même temps, au cours des dernières années, la diabolisation de Vladimir Poutine a atteint des niveaux de propagande de guerre. Les Russes ont toutes les raisons de croire que les États-Unis se préparent à la guerre contre eux, et prendront certainement des mesures défensives. Ce mélange de préparations militaires excessives et de propagande contre un « ennemi diabolique », peut facilement transformer un incident mineur en une étincelle.
Ma réponse à la première partie de la question est que « voter pour Hillary parce qu’elle est une femme » n’a aucun sens pour moi. Oui, les femmes devraient se réunir pour des causes qui affectent les femmes en général : un salaire égal à travail égal, une égale reconnaissance des compétences, le droit à l’avortement et la contraception, les congés maternité et les soins aux enfants, ce genre de choses. Mais Hillary Clinton est un individu, elle n’est pas « les femmes » en général. Les femmes pourraient se battre pour le droit des femmes à être élues président, mais ce droit existe déjà. On ne peut ramener ce droit au droit d’une femme en particulier d’être président.
Etre Président des États-Unis n’est pas un poste purement symbolique. Il implique des pouvoirs essentiels de prise de décision. Hillary Clinton a démontré une capacité de jugement dangereusement mauvaise sur les questions essentielles comme la guerre et la paix. Ce qui devrait la disqualifier.
Un de vos chapitres est intitulé « Libye : Sa guerre à elle » Compte tenu du rôle clé du pro-israélien Bernard-Henri Lévy à convaincre la France de soutenir les soi-disant « rebelles », pourquoi vous en prendre particulièrement à Hillary pour la destruction par l’OTAN de ce pays d’Afrique du Nord ?
En fait, non. Mais j’ai effectivement anticipé la montée du principal rival de Trump, Ted Cruz, qui pourrait être pire que Trump. Comme Robert Reich l’a souligné, Cruz est un fanatique d’extrême droite radical, avec des convictions réactionnaires solides, qui ne manquera pas de faire la mauvaise chose. Trump s’exprime à tort et à travers dans tous les sens, si bien qu’on ne sait pas trop ce qu’il ferait. Au moins il semble intéressé à éviter une guerre avec la Russie.
Je n’avais pas prévu pas non plus la montée de Bernie Sanders, et l’enthousiasme qu’il a suscité chez les jeunes à l’idée de nommer une bonne alternative à Hillary Clinton.
Les deux phénomènes montrent la profonde insatisfaction chez les Américains avec le système politique dysfonctionnel du pays.
Dans « Reine du Chaos » vous avez prédit que « dans l’état actuel des choses, la course présidentielle de 2016 pourrait être un concours entre Haim Saban et Sheldon Adelson. Dans les deux cas, le gagnant serait Israël. » Pourriez-vous préciser ce que représente le « dévouement » de Saban pour une présidence Hillary et ce que cela signifierait pour la politique étrangère des États-Unis ?
Si vous pensez que la politique américaine ne pouvait pas être plus pro-israélienne que ce qu’elle est, attendez de voir Hillary à la Maison-Blanche. Depuis que Haim Sabam a promis de dépenser « autant que nécessaire » pour la faire élire, Hillary Clinton a promis d’inviter Netanyahu à la Maison-Blanche dès son premier mois de mandat, et de profiter de l’occasion pour « réaffirmer les liens indestructibles d’amitié et d’unité » entre l’Amérique et Israël, et de tout faire pour détruire le mouvement Boycott-Désinvestissement-Sanctions (BDS). Elle continue de faire écho aux dénonciations israéliennes de l’Iran comme un « État terroriste » dangereux. Auparavant, elle a assimilé la critique de la politique israélienne à « l’antisémitisme » et a blâmé la population de Gaza pour les agressions israéliennes sur leur territoire misérable.
Les présidents précédents, y compris Obama, ont souvent eu leurs moments d’exaspération devant le comportement incontrôlable d’Israël. Avec Hillary, il semble qu’il n’y aura pas d’objection à la poursuite de la destruction israélienne de Gaza ou même à des attaques sur l’Iran. Elle est parfaitement en accord avec la politique tacite d’Israël de détruire et de démembrer la Syrie.